Le trésor de mon père

Tu as l’adresse de Rodolphe ? ai-je demandé.

— J’ai.

— Tu n’as pas l’air en forme, remarquai-je.

— Les héros sont fatigués.

Mon père aimait les trésors perdus, les bateaux coulés, les gens d’autrefois, les histoires du passé. Et moi, j’aime la vie, j’ai besoin des gens VIVANTS.

— Il aurait mieux fait de s’occuper de moi.

— «Il est libre, Max. Il y en a…» Oh non, détrompez-vous ! Martial était un type extra, comme vous diriez, mais il aurait fait un père très ordinaire.

— Ça vaut mieux que pas de père du tout, protestai-je.

— Regardez devant vous, Emilien. Les regrets empêchent de grandir. «Il est libre, Max…»

Pas à dire. Mon oncle a une conversation élevée. Regarder devant soi ! Je maintiens que c’est plus facile quand on a son père derrière.

— «Mon père qui êtes au ciel, je ne sais pas quelle touche vous aviez. Sur la photo, c’était pas net. Mais votre jardin, je l’aime. Même si c’est tout ce que vous m’avez laissé, les fleurs d’un rosier, merci. Ce jardin-là, je sais que vous l’avez planté pour moi. Amen.»

— Qu’il ait épousé une femme pareille ? C’est une sacrée boulette. Mais tout le monde a droit à l’erreur.

Je continue mon histoire et j’arrive à mon moment

Laisse tomber. La différence entre nous deux, c’est que toi, tu es le père de personne et moi, je suis le fils de quelqu’un.

Marc a soupiré. Comme modèle identificatoire, il est plutôt nul. Mais comme oncle, finalement, il est passable.

Je me demande si je ne suis pas allé un peu loin. Non seulement la mécanique est grippée mais elle a même l’air carrément en panne. Ah là là, les modèles identificatoires, de nos jours, ça ne tient plus la route.

Quand on sera mariés, on ne s’engueulera plus parce qu’on n’aura pas à se quitter à 18 h 30.

Les adultes sont curieux, tout de même. Ils veulent qu’on réussisse nos études et, dès qu’on a des vacances, au lieu de nous laisser tranquillement potasser, ils nous envoient faire du ski nautique ou du parapente. Pour qu’on soit épanouis.