Baby-Sitter Blues

Mon pauvre vieux ! Il faut perdre plein de fois avant de gagner.

C’est vrai que ma mère ne sait pas faire les cookies mais, à part ça, elle est géniale.

— Un père te ferait marcher droit, toi.

— Les absents ont toujours tort, répondis-je en m’essuyant à ma serviette, ça ne veut pas dire que tu as raison…

J’aurais bien aimé expliquer cela à quelqu’un, pourtant. Je m’étais fait une sorte de famille en baby-sittant. J’avais deux sœurs : Anne-Laure et Anne-Sophie ; deux frères : Axel et Martin, et j’attendais le dernier Aziz. Mme Durieux ou le Dr Grumeau, ça comptait aussi. Chez eux, c’était chez moi. Mais surtout, il y avait Anthony. Depuis que je lui avais sauvé la vie, c’était vraiment mon petit frère.

M. Aziz attendait, appuyé à la porte, le nez dans l’Officiel des spectacles, vivante image de l’autorité paternelle… défaillante.

J’étais consterné. Malheureux Anthony ! La vie n’est pour lui qu’une succession de calamités.

Vite, vite, mon Dieu, inspirez-moi un mensonge, un tout petit. Le dernier, c’est promis.

Elle ne savait plus si j’avais quatorze ou soixante-cinq ans. Des fois, je me le demande aussi.

«C’est sûr que je suis un marrant, pensai-je en entrant dans le salon, quand on est moche et qu’on a oublié d’avoir un père, on a intérêt à faire marrer tout le monde. »

C’est comme ça qu’à dix heures du soir, j’étais encore en train de parler de cet imbécile de Ranflanflan et de son ennemi juré.

— Tu en connais d’autres, des histoires de Ranflanflan ? bredouilla Anne-Laure en s’endormant.

— Trois cent mille.

— Tu nous les raconteras toutes, hein ?

— Toutes.

J’ai juste eu le temps de me jurer que je ne serais jamais père de famille et je me suis endormi sur la moquette.